SON ŒUVRE 171
les Perses^ se détache au milieu de cette œuvre toute légendaire et à moitié mythologique.
En Tabsence d'une chronologie suffisante, il est im- possible de déterminer aujourd'hui si l'imagination d'Eschyle s'est portée de préférence en tel ou tel temps vers tel ou tel genre de sujets. Les faits les plus ins- tructifs pour rhistoîredo sa pensée nous manquent donc: nous sommes hors d'état de dire quelle part doit être faite dans cette grande œuvre soit aux circonstances, soit à l'évolution normale de quelques idées dominantes. Toutefois plusieurs tragédies, telles que les Perses, où est célébrée la gloire de Salamine, les Etnéennes, où le poète faisait allusion à la fondation de la ville d'Etna par Hiéron, ne nous permettent pas de douter que les événements du jour n'aient, quelquefois au moins, dé- terminé ses choix. Et si VOrestie n'a pas été faite tout entière dans une intention politique, en vue de rappeler, au moment voulu, les origines divines de l'Aréopage, c'est là pourtant, à n'en pas douter, un des motifs qui ont décidé le poète. 11 a donc obéi plus d'une fois, en choisissant ses sujets, à des raisons indépendantes du mouvement normal de sa pensée. Mais, d'autre part^ le groupement même de ses pièces dénote certaines préfé- rences incontestables, dont les raisons peuvent être soupçonnées. En ce temps, la matière dramatique était encore toute neuve. Rien n'attirait le poète vers les lé- gendes rares ou les traditions purement locales. Les grands événements de la fable lui suffisaient ; et, parmi ces événements, ceux que Tépopée ou la poésie lyrique avait le plus célébrés étaient aussi ceux qu'il devait naturellement préférer. Voilà pourquoi Eschyle a laissé à ses successeurs certains domaines presque intacts, par exemple tout le groupe des légendes attiques. Il se con- tentait, selon le mot qui lui est attribué, « des miettes de la table d'Homère».
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