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HIÉRARCHIE DES ROLES 139

par eux surtout que la distance entre la tragédie et la comédie tend à diminuer, et que le drame d'Euripide s'achemine vers celui de Ménandre.

On a vu dans le chapitre précédent que les divers rô- les de chaque tragédie devaient être nécessairement ré- partis entre deux ou trois acteurs inégaux en talent et en considération. Quelques mots ici sont nécessaires, au sujet de l'influence exercée par cette répartition sur la composition même des pièces.

Ce fut Eschyle qui, en créant le second acteur, établit les principes de la hiérarchie des rôles. Chez lui, la no- tion du premier rôle se dégage et apparaît clairement. Etéocle, Prométhée, Clytemnestre dans YAgamemnon^ Oreste dans les Choéphores^ ont une prééminence mar- quée. Ils sont en scène presque constamment; d'où il ré- sulte que Tacleur, chargé d'un de ces rôles, ne pouvait en jouer aucun autre dans la même pièce. D'ailleurs les personnages ainsi mis au premier rang se distinguent de tous les autres soit par l'intensité de leur souffrance, soit par la force de leurs passions, soit par leur énergie morale, soit par l'impulsion fatale qui agit en eux. Grâce à ces grandes créations, la prééminence d'un rôle dans chaque pièce devint une des lois de Tart tra- gique. Ni Sop^hocle, ni Euripide ne songèrent à s^ ^m^stj^air^ L'intérêt des acteurs de talent la rendit iné- branlable. Les variations de l'art n'eurent d'autre effet à cet égard que de modifier la forme de cette préémi- nence, d'ailleurs immuable en son principe. Chez Eschyle, c'est surtout par la force soutenue que se marque la su- périorité du premier rôle ; chez Sophocle, c'est par la ri- chesse du développement psychologique; chez Euripide, c'est ordinairement parle pathétique. Sous ces différences secondaires, le fait capital persiste. Et rien peut-être n'a plus contribué à donner à la tragédie grecque un carac- tère distinct. Elle est faite autour d'un personnage, et

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