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138 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

mant au ton général de la tragédie, sans tenir grand compte d'aucune particularité individuelle.

Les pédagogues et les nourrices n'ont pris pied sur la scène grecque qu'après les messagers. Eschyle ne semble pas s'en être servi, car la nourrice d'Oreste dans les Choéphores n'a pas du tout le rôle de confidente qui fut dévolu plus tard à ses pareilles et qui leur est propre. Ce fut l'introduction du troisième acteur et la complexité progressive de l'action qui les fit entrer dans le person- nel théâtral. Dès qu'on eut besoin de subalternes à qui les premiers personnages pussent dire tous leurs secrets, on dut penser tout naturellement à ces humbles serviteurs , qui se distinguaient des autres par une certaine autorité morale, par l'affection sincère, par une vieille habitude de donner des conseils. Chez Sophocle, nous voyons pa- raître, dans Electre, le pédagogue d'Oreste ; dans les Tra- chiniejines, la nourrice de Déjanire. Malgré tout, on sent encore chez lui une discrétion réfléchie dans l'emploi de ces rôles, soit qu'il eût une défiance naturelle à l'égard des moyens trop faciles, soit qu'il fût porté à réserver les sentiments délicats à des personnages d'un rang plus élevé. Au contraire, tout scrupule de ce genre a disparu chez Euripide. Dans ses pièces, — comme dans celles de beaucoup de ses contemporains probablement — le péda- gogue et la nourrice sont presque des personnages in- dispensables. Et ce n'est pas seulement parce qu'ils ren- dent la conduite de l'action plus aisée ; évidemment il y a quelque chose de plus dans leur succès : ils plaisent à la démocratie athénienne parce qu'ils sont eux-mêmes du peuple. Ils représentent dans la tragédie, au point de vue moral, un élément nouveau, ils y apportent avec eux une certaine familiarité relative, des. sentiments et des idées directement empruntés à la vie domestique. Si la vieille dignité tragique les enveloppe encore, du moins elle ne les drape plus avec autant de majesté. C'est

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