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aventures les unes aux autres et ne reprend que fort tard son cours direct et plus rapide. Hérodote fait de même : sa composition est aussi simple que solide. Le but est marqué d’avance, mais on y va d’une allure capricieuse, parmi toutes sortes de flâneries entremêlées et de curio- sités incidentes. Lui-même a pleine conscience de cette liberté conteuse et pourtant réglée. Quand il s’écarte de son sujet (si bien défini au début de son livre), il ne l’ignore pas, car il en convient expressément à plusieurs reprises et, de même, il dit ensuite qu’il y revient. « Mon récit, dés Tabord, s’est complu aux digressions *. » — « Cette histoire de Rhégium et de Tarenle est une digression, » dit-il ailleurs ^. Et sans cesse : « Je reviens à mon propos. » Il sait à merveille qu’il s’écarte, mais il ne s’en fait aucun scrupule. C’est surtout la dialectique oratoire et le drame qui ont créé dans les esprits le besoin de la logique rapide et rigoureuse. Hérodote s’en passe le mieux du monde . 11 la remplace par une curiosité naïve, facilement amusée et amusante. C’est un conteur, plus voisin des vieux aèdes que des orateurs.

Le premier livre est un exemple achevé de cet art si capricieux en apparence et cependant attentif à ne jamais s’égarer tout à fait. Tout d’abord, une phrase indique le sujet : la lutte des Grecs et des Barbares ^ Suit une prétention, déjà un peu longue, sur les causes légendaires de cette lutte : on se croit perdu presque avant de s’être mis en route; mais tout d’un coup on se retrouve; Hérodote a ressaisi vivement son sujet et le détermine : le vrai début de son histoire, c’est le règne de Crésus, et il insiste fortement sur cette idée *. — Ici, retour en ar-

i. IIpoTÔr,xaç yàp èr\ jioi «5 Xôyo; êÇ àpx^s èÔi^VO (IV, 30).

2. ToO "khfo’j (xot wapsvÔTQXTj ^iyowe (VII, 171).

3. îi’idôe, à vrai dire, est présentée de biais, à la fin de la phrase (.. ta T£ «XXa xai oi’ r,v aÎTiYjv èTcoXéjiTidav âXXy,>.oi(Ti). C’est toujours la mi^mo allure un peu sinueuse; mais l’essentiel est dit.

4. I, 6.