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602 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

documents qui lo paralyse : mais c*cst Tabsence ou du moins la rareté des documents; car l'histoire grecque aussi, dans les premiers siècles, est une histoire toute poétique, assez semblable (sauf quelques points fixes et bien établis) à celle qu'il recueillait en Orient dans les sanctuaires. Avec les périodes récentes, à partir du Yi^ siècle et surtout des guerres médiques, les choses changent. Les témoignages contemporains se multi- plient; les faits positifs sont nombreux. L'histoire d*Hé- rodote gagne alors singulièrement en solidité. Cependant il importe de bien mesurer cette solidité. L'ensemble est vrai, et ce qui le prouve, c'est la clarté même du récit. Les événements, selon la juste observation d'un histo- rien S « sont présentés par Hérodote dans une connexion si naturelle que nous pouvons le prendre pour un ga- rant irrécusable, même alors qu'il ne nous est pas pos- sible de contrôler son récit des guerres persiques par le rapport d'autres contemporains. » Mais, si la contexture générale du récit est inattaquable, le détail est parfois sujet à caution. Il y a trop d*oracles réalisés, trop d* ap- paritions de héros, trop de miracles, trop de ces mots qu'on invente après coup, trop de précision dans la pein- ture de scènes qui n'ont pu avoir que de rares témoins. Quand on lit ces pages vives, brillantes, amusantes, on sent que le fond est vrai, mais que c'est de la vérité vo- lant de bouche en bouche pendant deux générations, em- bellie et complétée par chaque narrateur, teintée de merveilleux par l'imagination populaire, et recueillie par le pieux historien avec plus de curiosité que de critique. C'est de l'histoire qui s'est faite toute seule et qui n'a pas encore été passée au crible. Nous sommes fort loin de Tliucydide, à tous égards -.

Dans les combats, ce qui attire surtout l'attention d'Hé-

1. Ciirtius, Histoire ffrecguc, t. 11, p. 340 (trad. Bouché-Leclercq). •2. Cf. Nilzsch, l'ehrr llerodots Qu^tteii fiir die Gesch, der Perserkrie-

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