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MÉTHODE ET CRITIQUE 595

des indications si suspectes. Il les prend telles qu*on les lui donne, et ne les contrôle que dans le détail, sur tel point particulier qui choque ses idées à lui, mais non dans leur principe et de haut.

Il ne sait pas non plus que de très vieilles histoires sont d'autant moins vraisemblables qu'elles sont plus circonstanciées. C'est Ephore le premier qui a proclamé cette grande loi de la science historique. Thucydide l'a- vait probablement entrevue; Hérodote ne s'en doute pas. Quand des « savants » (Xoyioi), c'est-à-dire des hommes à la mémoire riche en traditions, lui racontent Torigine d'une ville ou d'un temple, il n'est pas surpris ni inquiet de la précision apparente des détails qu'on lui donne. Nul instinct ne Taverlit que l'imagination populaire a passé par là. Sa critique peut porter sur un fait particu- lier, non sur la couleur légendaire partout répandue. Cette couleur même lui échappe : elle se confond pour lui avec la vive lumière de la réalité.

Sa philosophie enfin, c cst-à-dire la manière de conce- voir l'ensemble des choses, est celle d'un croyant formé par les poètes et par les mystères. Au temps d'Hérodote, l'unité de la pensée grecque était rompue : d'un côté les philosophes, les savants, jetaient l'anathème aux dieux homériques ; de l'autre la foule continuait à marcher dans la voie que les vieux poètes avaient frayée : Ho- mère et Hésiode, dit Hérodote, ont établi en Grèce la science des dieux *; la multitude était toujours, au v® siè- cle, du parti d'Homère et d'Hésiode. Entre ces deux rou- tes, quelques poètes, quelques esprits religieux cher- chaient une voie moyenne, et, tout en retenant le plus possible l'ancienne théologie, y introduisaient, à la fa- veur surtout des cultes mystiques, quelques idées mo- rales plus hautes et un sentiment plus vif. Hérodote est

i. II, .5.3.

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