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l’effet do sa prétendue démonstration. Si l'on examîne les choses avec soin, on arrive à cette conclusion qu’à cet égard encore il est très difficile de convaincre Hérodote d’injustice. Un des traits les plus frappants de son caractère, c’est une curiosité généreuse, une vive sympathie intellectuelle pour tout ce qui est grand, noble, extraordinaire ; avec cela, une sorte d’ingénuité, de candeur, qui lui fait mêler, s’il le faut, des réserves à la louange, quoi qu’il puisse lui en coûter, et qui le retient dans une habituelle modération : il n’a rien d’un déclamateur. Il est très fier d’être Grec, mais il n’a nul mépris pour les Barbares : il dit expressément au début de son livre, comme la chose la plus naturelle du monde, que les hauts faits des Barbares y trouveront place à côté de ceux de ses compatriotes. Il a été ravi de toutes les merveilles qu’il a vues en Egypte et en Orient ; il admire la piété des Égyptiens et l’antiquité de leurs traditions. D’ailleurs nulle particularité de mœurs, si étrange qu’elle puisse paraître à un Grec, n’a le pouvoir de le scandaliser ; il s’émerveille do tout et ne se choque de rien. « La coutume, dit Pindare, est la reine du monde » : Hérodote cite ce mot célèbre à propos d’une bien jolie histoire destinée à démontrer que chaque peuple préfère ses propres usages, mais qu’au fond peut-être les uns valent les autres *. Hérodote est un philosophe souriant qui s’amuse de la diversité des choses et n’a pas de parti-pris. Il blâme souvent Sparte de ses lenteurs, de son égoïsme, de ses calculs mesquins ; mais quand Léonidas meurt héroïquement aux Thermopyles, quand Pausanias est victorieux à Platée, il ne voit plus que leur gloire et la dit avec la même ingénuité que les défauts habituels à la politique de leur cité. Convaincu qu’Athènes a sauvé la Grèce, il le déclare avec une entière

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