ANAXAGORE 531
été Tun des promoteurs les plus puissants de cet état' d*esprit tout nouveau, étranger aux superstitions popu- laires, indifférent aux miracles et aux présages, qu'on est tout surpris de rencontrer chez Thucydide, par exem- ple, dans le temps même où un Hérodote est encore si crédule.
Nous possédons dix-sept fragments d'Anaxagore, tous intéressants, et l'un d'eux même (sur l'Esprit) long d'en- viron une page. Cela nous permet de connattre à peu près sa manière d'écrire. Diogène Laërco dit d'un de ces morceaux qu'il s'y trouve de l'agrément et de la gran- deur ^ L'agrément vient surtout du dialecte ionien, dont se sert Ânaxagore, et qui a par lui-même de. la douceur. Le caractère de grandeur est plus marqué et tient à l'allure sentencieuse, impersonnelle, oraculaire du style. Ânaxagore discute peu ; il prononce des aphorismes ; ou, si parfois il argumente, c'est de la manière la plus brève, en quelques mots. Il n'a aucune passion, aucune émo- tion, aucun sourire : rien de l'éloquence d'Heraclite ni de la grâce de Xénophane. Sa personne est aussi complè- tement absente de son livre qu'elle pourrait l'être d'un ouvrage de géométrie. Peu d'imagination même, si l'on regarde au détail de l'expression : tout est sobre et pré- cis ^ Ses contemporains l'appelèrent par raillerie T/n/e/Ze- gence^. L'épîgramme est juste : elle indique le caractère élevé, clair et froid de son style. Comme les choses dont
Tait qu'une corne : le devin Lampon considérait ce fait comme un présage funeste ; Anaxagore montra, en ouvrant le crâne du bélier, que ce prétendu prodige était la suite naturelle d'une mauvaise con- formation de la tôte. i. Diogène Laërce, II, 6 (i^Sétoc xocl (jiEYaXoçp&vcac).
2. Précis pour le temps, bien entendu ; car une foule de choses qui semblaient claires alors aux meilleurs esprits ne satisfont plus la pensée moderne.
3. 'O NoO;. Cf. Pltttarquo, Périclès, c. 4; Timon, dans Diogène Laërce, II, 6. — Gela rappelle le mot de Gassendi à Descartes : « esprit I »
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