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4C4 CHAPITRE IX. — PHILOSOPHIE ET HISTOIRE

Désormais la curiosité purement intellectuelle est éveillée. On distingue, au moins en principe, le vrai du beau. Une chose vraie (ou considérée comme vraie) excite Tintérôt par cela seul qu*on la croit telle, quelle que soit d'ailleurs la part de beauté ou d'émotion qu'elle comporte. Quand cette manière de penser vient à se produire, l'âge de la prose commence. Le rythme poétique est l'expression habituelle do la sensibilité émue. L'allure irrégulière de la prose convient à une pensée qui cherche à se détacher du sentiment, et qui veut recevoir Timage directe des choses sans l'adapter aux vibrations de sa propre sensi- bilité, à laquelle elle impose silence.

Une transformation de ce genre ne s'opère pas d'un seul coup, surtout chez un peuple comme le peuple grec, dont l'évolution intellectuelle, pendant de longs siècles, s'est accomplie spontanément, avec une admirable régu- larité. Aussi n'est-il pas difficile de distinguer longtemps à l'avance les signes avant-coureurs du changement qui se prépare. Après la poésie d'Homère, toute dramatique et passionnée, voici, d'une part, la poésie cyclique et la poésie généalogique, où se montre le désir d'eochainer historiquement les légendes les unes aux autres, d'en faire quelque chose comme une chronique régulière des âges héroïques; puis, d'autre part, la poésie théogonique, déjà philosophique en ce sens qu'elle cherche à faire de la théologie grecque un système ; ensuite le lyrisme et Té- légie, où la philosophie morale se développe ; enGo les mystères, dont la théologie prétend corriger et améliorer celle d'Hésiode. Tandis que la poésie laisse voir ainsi des germes sans cesse grandissants d'esprit historique et phi- losophique, le même mouvement s'accomplit en dehors d'elle. Les listes de prêtres ou de magistrats, les archives où se conservent les lois et les traités ne sont pas de Thistoire sans doute, nous l'avons dit tout à Theure ; mais avoir l'idée de recueillir les pièces, d'en garder la

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