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COMPOSITION 415

et si fortement rendu, entre l'harmonie sensible de la musique et Tharmonie supérieure de la vie morale; ou plutôt, elle est dans la superposition de celle-ci à celle* là, et dans l'intention par laquelle Pindare passe de l'é- clat de la fête visible à la beauté invisible de la vertu, déjà grande dans Tâme deHiéron, mais que ce prince doit ac- croître en lui chaque jour davantage.

D'autres fois, au contraire, cet enchaînement d'ima- ges et de pensées est la traduction d'une idée abstraite précise. Par exemple, plusieurs odes de Pindare, sept ou huit environ, aboutissent à cette idée que l'homme doit savoir se modérer. D'autres sont inspirées dans leur en- semble par l'idée que l'homme ignore ses véritables in- térêts, ou que l'avenir est incertain, ou que les œuvres humaines sont nécessairement imparfaites, ou que le mal se mêle au bien dans la destinée de tous les mortels. Dans ce cas, l'idée lyrique ressemble, quant au fond des cho- ses, à une idée oratoire ou philosophique. Mais elle en diffère absolument par la manière dont elle s'exprime et dont elle agit sur l'ensemble de l'œuvre d'art. Il n'est pas rare, par exemple, que cette idée centrale du poème, cette idée génératrice d'où tout le reste sort, ne soit nulle part exprimée dans l'ode on termes explicites; ou, si elle l'est, c'est comme par hasard et en passant. Le poète insinue son idée plus qu'il ne l'explique ; il se garde de prêcher et de démontrer. On la sent au fond de son esprit ; elle est comme le pôle invisible vers lequel son inspi- ration se tourne sans cesse; mais elle ne s'offre pas aux regards avec la clarté que préférerait la prose. Elle ne se traduit même pas dans tous les détails du poème sans exception. Cette idée domine, cela suffit. Toutes sortes d'idées accessoires, d'images brillantes, peuvent se grou- per autour d'elle et lui faire cortège. Il faut seulement que ces idées accessoires ne détruisent pas l'impression générale que le poète a voulu faire prévaloir. Il en est à

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