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LA PHRASE 397

de son père ^ : son imagination a passé brusquement de la cause à Teffet.

Mais ce qui donne surtout à la poésie de Piodare son éclat surprenant, c'est que toutes ces figures, toutes ces hardiesses, au lieu d'y être distinctes et séparées comme elles le sont dans nos classifications, s'y superposent, pour ainsi dire, et que leurs rayons s'y entrecroisent en jetant mille feux à la fois. Un pareil style est intraduisi- ble. En voici un exemple. Pindare veut dire qu'Arcésilas est de ceux à qui les dieux peuvent accorder le difficile honneur de relever une cité ébranlée ; il s'exprime ainsi :

Tiv ^g TOUTwv sÇv^aivovrai x^piTt^ '.

On voit la métaphore empruntée au tissage, l'emploi au pluriel de ce mot abstrait et général (x^P^O cher à Pindare, et la périphrase pindarique toutwv ^apiTe;. Un vers do cette sorte suscite à la fois, et comme dans un seul éclair, une multitude d'impressions vives, d'images et d'idées. Rien de plus riche, rien de plus hardi, et rien de plus intraduisible.

Jamais poète, d'ailleurs, n'a su mieux que Pindare le pouvoir du mot mis en sa place. Chaque membre de phrase, dans ses odes, présente une suite d'images nettes et brillantes, de tableaux sommaires qui s'appellent les uns les autres et se font valoir ^ Il a des rejets admira- bles. S'il peint un héros, il aime à rappeler d'abord en une ample phrase ce qu'il a fait ou dit, et à garder pour la fin le nom illustre qui éclate brusquement comme dans un cri de triomphe *.

La phrase de Pindare est souvent courte : elle est alors

1. Pylh. IV, 446.

2. Pyth. IV, 490.

3. Poésie de Pindare, p. 405.

4. Par exemple, Isthm. III, 87-93.

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