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350 CHAPITRE VI. — LYRISME CHORAL

Je ne cherche pas rimpossihle; je ne tourne pas une vaine espérance vers ce rêve chimérique, un homme absolument exempt de reproches, parmi nous tous qui mangeons les fruits de la vaste terre; si j'en trouve un seul, je viendrai vous le dire. Pour moi, je loue et j'aime quiconque ne fait pas le mal de son plein gré; car, contre la force des choses, les dieux mêmes ne peuvent rien *.

On dirait uno causerie d'Horace, libre, souriante, avec beaucoup d'iadulgcnto philosophie et de belle humeur. Dans ce passage, c'est contre un mot de Pittacos que Si- monide s'escrime. Ailleurs, c'est contre Ciéobule de Lin- dos ^. Il aime visiblement ces combats dialectiques oii sa fine subtilité s'amuse.

II ne réussit pas moins dans le pathétique; non dans le pathétique violent et superbe qu'on trouve, par exem- ple, chez un Eschyle, mais dans la peinture d'une douleur qui s'exhale harmonieusement par d'exquises et déchi- rantes paroles, toutes simples en apparence, et réelle- ment pleines de larmes. Il aimait à faire parler les fem- mes \ Un thrène qu'il avait fait en Thessalie pour une femme de la famille des Aleuades qui avait perdu son fils, était célèbre^. Le morceau des plaintes de Danaé, qui nous a été conservé par Denys d'Halicarnasse, peut heu- reusement nous donner l'idée de ce genre de pathétique, et justifie à nos yeux les éloges que les anciens accordent unanimement à la tendresse do Simonide. Les mots sont très simples, les phrases tantôt courtes, tantôt douce- ment sinueuses, sans mouvement oratoire; mais tout est senti et vient du cœur; c'est d'une vérité intime et péné- trante; on dirait du meilleur Euripide :

��1. Fiagm. 5. 2« Fragm. 57.

3. Fragm. 51.

4. Aristide, I, 127 (avec les éclaircissements de Bergk sur ce pas- sage; fragm. 34).

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