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SIMONIDE 347

fut à titre entièroment gratuit, car tous ces poètes n'é- taient pas de noblo]et riche famille. Selon toute apparence, on les payait en présents qui gardaient un air de muni- ficence amicale et toute volontaire. C'était là une situa- lion transitoire et qui devait changer nécessairement. Le poète lyrique avait le même droit que le sculpteur ou le peintre de tirer profit de son art. Le changement se fit au temps de Simonide, par suite assurément de tout un ensemble de circonstances où la personne de Simonide avait peu de part. Pindare lui-même, qui vante Tancieu usage et blâme le nouveau, suivait en réalité celui-ci . C'est la preuve de l'importance que l'art lyrique avait prise dans la vie grecque, puisque Topinion publique lui reconnaissait une valeur vénale et qu'un homme qui n'avait à vendre que de beaux vers pouvait devenir riche comme on dit que le fut Simonide *. En ce qui est de la moralité de celui-ci, on ne saurait sans injustice lui im- puter à crime une habitude que Ton ne songe pas à blâ- mer chez Pindare. Ce qu'on ne peut nier pourtant, c'est que celte habitude alors nouvelle de faire trafic de son art ne dût confirmer un bel-esprit mondain dans le dcmi- sceptisme élégant où sa propre nature l'inclinait déjà.

L'artiste, chez Simonide, ressemble à l'homme. De même que son caractère se plie à la diversité des circon- stances, son talent sait prendre tous les tons. Le plus souvent, il est d'une élégance simple (tennis, disait Quin- tilien, qui recherche do préférence la puissance oratoire et Téclat), mais agréable et pleine de justesse; il est spi- rituel, gracieux, persuasif; il arrive même parfois à la force; mais surtout il est touchant; il excelle à émouvoir

1. Bergk va jusqu'à dire que Tusage de stipuler librement le prix de ses vers augmentait rindépcudaiice du poète lyrique. Ce serait peut-être plus vrai s'il s'agissait d'un autre genre littéraire que des cncomia.

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