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262 CHAPITRE V. — LA CHANSON

dant longtemps parmi les modernes? Eusuile, quelle on est la valeur historique, pour la connaissance même d'Anacréon?

Il est de mode aujourd'hui, parmi les érudits, de dédaigner les poèmes anacréontiques . Après les avoir trop admirés peut-ôtre, on les méprise trop. La vérité est qu'ils sont fort inégaux. Quelques-uns sont insigniGants ou faibles; d*aulres, d*unc gentillesse un peu maniérée; mais plusieurs sont fort jolis, et nos pères n'avaient pas tort de s'y plaire : leur seule erreur était de ne pas faire de distinction entre la grâce des alexan- drins et celle du vi® siècle avant l'ère chrétienne. C'est une erreur analogue à celle qui leur faisait prendre l'Apollon du Belvédère pour un exemplaire incomparable de l'art grec de la grande époque. L'Apollon du Belvé- dère, pour n'être pas de Phidias, n'en est pas moins une belle œuvre; de même, les odelettes de VAmour mouillé^ ou de la Sauterelle ^^ quel qu'en soit l'auteur inconnu, ont bien du charme, et la pièce qui met en œuvre le motif populaire si connu, « Je voudrais être le miroir pour que ton regard ne me quittât pas; je vou- drais être l'eau, pour baigner tes membres, etc. », ce joli thème amoureux, pour être développé dans une ode apocryphe, n'en est pas moins gracieux et poétique ^

Au point de vue historique aussi, ces pièces ont quel- que intérêt. Ceux qui les ont faites, ou du moins les auteurs des plus anciennes d'entre elles, lisaient encore Anacréon; non seulement ils le lisaient, mais en outre ils en étaient épris et le savaient par cœur. Ils lui sont donc restés plus fidèles qu'on n'est quelquefois disposé à le croire. Non qu'ils aient jamais visé à tromper la posté- rité : l'artifice innocent qui consistait ii le faire parler

1. No.31.

2. No 32.

3. No i!2.

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