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202 CHAPITRE V. ^ LA CHANSON

nie elle-même n'y arrive qu'avec Anacréon. Il y a certai- nement dans ce fait autre chose qu'un hasard. La gravité dorienne s'accommodait mal de cette poésie légère et pas- sionnée. Quant à l'Ionie, elle avait eu de bonne heure riambe et l'élégie, qui lui suffisaient : sous ces deux for- mes, elle avait exprimé des sentiments analogues à ceux de la chanson, mais avec une nuance ou de généralité philosophique ou de raillerie maligne qui allait bien à la nature de son esprit; quand elle se servit à son tour de la chanson, ce fut pour y porter un ton de badinage élé- gant et mondain qui tenait sans doute en partie aux cir- constances ainsi qu'au génie propre d'Ânacréon, mais où le caractère ionien n'est pas sans avoir laissé sa trace. Il était naturel que l'ode amoureuse arriv&t pour la pre- mière fois à la perfection dans cette tle éolienne de Les- bos, célèbre par ses citharèdes, étrangère à Tiambe et à Télégie, et dont la population, moins longuement civili- sée que celle de l'Ionie, était à la fois plus ardente et plus naïvement sensuelle. Après les poètes de Lesbos et Anacréon, l'ode légère subit une longue éclipse : sauf le scolie, toujours cultivé (mais avec des transformations notables), ce genre de poésie lyrique ne produit plus d'œu- vres marquantes. Ce n'est pas sans doute que la Grèce ait cessé de chanter le plaisir; mais trop d'autres gen- res littéraires, mieux appropriés à une civilisation plus complexe et plus agissante, attiraient alors les esprits. A défaut de la naïveté lesbienne, il fallut, pour remettre en honneur cette forme de poésie, la curiosité savante et les studieux loisirs d'Alexandrie, en attendant que l'art des Romains s'essay&t à la faire revivre en langue la- tine.

Les caractères techniques qui distinguaient l'ode lé- gère des autres formes du lyrisme sont faciles à déter- miner.

D*abordy à la différence de l'élégie et de Tiambe» cotte

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