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SIMONIDE D'âMORQOS 195

d'une certaine élégance aisée. Par le fond des idées et par le style, il ressemble d'avance à certains morceaux de la comédie nouvelle. Mais ce qui lui donne surtout cette ressemblance, c'est la nature toute générale de la pensée; Tiambe n'a plus rien ici de la vivacité agres- sive d*Ârchiloque : c est de la philosophie morale» à peine teintée d'une légère nuance d'ironie, qui s'exprime doucement dans ces vers faciles.

Le même caractère se retrouve en partie dans le mor- ceau sur les femmes. Ce n'est pas que Tesprit- satirique y manque : mais, en cessant d'être personnelle pour devenir générale, la satire s'est adoucie. Dans l'ensemble» d'ailleurs, ce poème est peu agréable. Malgré quelques jolis vers, il est fatigant. La donnée, assez ingénieuse, mais peu neuve sans doute même au temps de Simonide, est développée avec une conscience et une régularité désespérantes; une plaisanterie aussi méthodiquement prolongée devient lourde. Simonide s'amuse à prendre dix types de femmes et à les expliquer par une prétendue généalogie animale : l'une vient du porc, l'autre du chien, l'autre du singe, l'autre de l'abeille. C'est, sous une autre forme, l'idée qui a donné naissanôe à la fable ésopique, à savoir celle des ressemblances entre les caractères de l'espèce humaine et ceux des animaux : idée vieille comme le monde, aussi bien que le genre même de la fable. Simonide ne la renouvelle guère que par la forme didactique dont il la revêt : au lieu de peindre par touches rapides et par allusions, il énumère et il explique, dans une sorte de poème suivi ; ce n'est pas un avantage. Le fond de sa pensée est amer. Bien qu'il ait dit quelque part, après Hésiode, (( rien demeil'- leur qu'une femme qui est bonne, rien de pire qu'une méchante », il est clair qu'il songe à la méchante plus qu'à la bonne : pour une femme qui vient de l'abeille, il y en a neuf, à ses yeux, qui viennent d'animaux plus

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