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154 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLÉGIAQUE

est simple, tout voisin du vocabulaire de la prose; il a moins de formules homériques que les élégiaques anté- rieurs; il y a dans son style très peu de cette ima<i:ination brillante et sereine qui n'est que le jeu d'une fantaisie d'artiste; mais on y trouve beaucoup de cette imagina- tion forte que la passion met en branle, et qui se ren- contre par exemple chez un grand orateur véhément, chez un Démosthène. Sa langue, essentiellement vraie, manifeste avec justesse et avec force tous les mouve- ments de la pensée. JîUe est brève, nette, exacte, quand il s'agit de formuler un précepte ou une vérité morale; énergique jusqu'à la violence dans la passion; capable aussi de grâce et de délicatesse ; serrée dans la dialecti- que, et toujours d'une saveur pénétrante, parce qu'elle traduit une pensée très réfléchie et très intense, même dans l'expression des idées générales. A cause du carac- tère sentencieux de cette poésie, la phrase s'y limite peut-être plus souvent que chez les élégiaques antérieurs à la mesure exacte du distique; pourtant, dès que la pen- sée cesse d'être une maxime, elle excède sans scrupule le pentamètre et déborde : elle se répand alors de disti- que en distique avec une liberté d'allure qui témoigne d'un art encore ancien; ni les Alexandrins ni plus tard les Romains, leurs disciples, ne garderont ce laisser- aller. La versification même, quoi qu'en dise Athénée \ ne paraît pas être chez Théognis beaucoup plus rigou- reuse que chez un Mimnerme ou un Solon : les abré- viations par l'hiatus, les césures à toutes les places, les coupes très libres du vers y abondent; tout cela n'est pas d'une métrique méticuleuse et moderne; la vieille liberté de la poésie chantée s'y montre à chaque instant. Dans l'ensemble, une élégie de Théognis, à en juger par les fragments, devait être quelque chose de vif et de ro-

1. Cf. plus haut, p. 95.

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