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2 CHAPITRE 1". — ORIGINES DU LYRISME

Au V® et au iv® siècle, en plein épanouissement de Tat- ticisine, les rapsodes qui déclamaient V Iliade et V Odys- sée continuaient d attirer la foule. Mais il en était alors de Tépopéo comme il en est aujourd'hui de la tragédie française du xvii® siècle. Corneille et Racine sont des classiques; on les lit, on les admire^ on les écoute même avec délices, mais on ne fait plus de tragédies à leur exemple. Il y a dans leur art des formes surannées qui, sans faire tort à notre admiration pour tout ce qui reste en eux d'impérissable^ détournent d'une imitation trop exacte les esprits originaux. Cent cinquante ou deux cents ans après Vlliade^ Tépopée subissait le même genre de fortune, et une nouvelle forme de l'art, le lyrisme, appa- raissait. La fin de l'épopée n'était pas la fin de la poésie grecque, tant s'en faut. La source était toujours vive et jaillissante. Elle devait, pendant de longs siècles encore, épancher ses eaux libéralement en tous sens. Mais elle change alors de cours. Des besoins nouveaux sont nés auxquels il faut satisfaire. Cette révolution littéraire est le signe et la conséquence d'une transformation gra- duelle de l'âme et de la vie grecques.

Les trois siècles qui précèdent les guerres médiqucs sont pour la Grèce une période do profonde révolution intellectuelle et politique. Les vieilles royautés patriar- cales chantées par Homère ont disparu. Des invasions et migrations de toutes sortes ont bouleversé Tancien sol. Un ordre nouveau se fonde au milieu des difficultés et des luttes. Les gouvernements aristocratiques dominent; la démocratie commence à poindre; les tyrannies sur- gissent çà et là. Dans ces difficultés de la vie pratique, la sensibilité s'exalte; mais surtout la personnalité so développe. La conscience des individus et des groupes prend plus de force et de clarté. La réflexion s'attache aux choses présentes soit pour les dominer par l'ac- tioQ, soit pour les pénétrer dans leurs lois intimes.

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