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LA LANGUE GRECQUE

n’y ait déjà dans cette spontanéité beaucoup de réflexion et de calcul ; mais en somme les idées sont encore élémentaires, et le jugement, faute de connaissances, n’a pas acquis toute sa maturité. À la fin, c’est le spectacle contraire qui s’offre à nous : les qualités naïves ont disparu et le savoir raisonneur a pris le dessus en tout sur l’imagination. La division en grandes périodes nous est donnée par cette vue générale. Elle doit mettre en lumière les phases principales de ce changement lent et progressif.

Nous distinguerons d’après cela quatre périodes dans l’histoire que nous allons retracer : la période ionio-dorienne, la période attique, la période alexandrine, et la période romaine.

I. Période ionio-dorienne (du Xe siècle environ à la fin du VIe avant notre ère). — C’est en Ionie, sur les rivages de l’Asie Mineure, que le génie grec se révèle par ses premières grandes créations. Entre le Xe siècle et le VIIIe, les chants épiques succèdent aux hymnes. D’abord courts et isolés, ils se groupent bientôt, et finissent par constituer de grands ensembles. La poésie de l’Ionie est héroïque. Mais elle suscite sur le continent grec un autre genre épique qui vise à instruire. Ces deux sortes de poésie, représentées éminemment l’une par Homère, l’autre par Hésiode, remplissent à elles seules toute la première partie de cette période. C’est donc l’essor de l’imagination qui est le caractère principal de la littérature de ce temps. Et toutefois la poésie hésiodique marque déjà un besoin nouveau d’exactitude, de vérité morale et historique, qui dénote un progrès incontestable de la réflexion.

Ce progrès s’accuse dans la poésie lyrique qui