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LA POÉSIE PIÉRIENNE

licon, où elle fonda Ascra[1]. Quoi qu’il faille penser du fait réel qui se cache sous cette tradition à demi légendaire, la relation entre la poésie héliconienne et la poésie piérienne n’est pas douteuse ; toutes deux relevaient du même culte, et la plus récente, celle de l’Hélicon, aimait à se considérer elle-même comme issue de l’autre.

Au reste le propre des traditions est de simplifier. Il est bien probable qu’en fait ni la Piérie ni l’Hélicon n’ont eu, dans l’histoire de la poésie grecque, toute l’importance qui leur est ainsi attribuée. Quand la civilisation fut assez avancée parmi les tribus helléniques pour que l’homme pût s’arracher par instants aux préoccupations absorbantes de la vie matérielle, la poésie religieuse dut prendre un peu partout un rapide essor. En venant de l’Orient, ces tribus avaient apporté avec elles des hymnes plus ou moins semblables à ceux qu’on retrouve dans l’Inde et en général chez tous les peuples primitifs de même origine. Dans les derniers siècles de la période préhistorique, à mesure que les sanctuaires se multiplièrent et que le culte devint plus pompeux, cette poésie religieuse crût aussi en importance et se perfectionna. Ce fut vers ce temps probablement que le culte des Muses, parti des localités piériennes de Pimpléa et de Libéthron, puis établi en Béotie dans la région de l’Hélicon, prit un éclat nouveau. Son influence s’exerça au loin ; les poètes qui le célébraient firent école ; on reconnut

  1. Strabon IX, 2, 25. — Cf. X, 3. Voyez aussi le témoignage de Pausanias, IX, 29. Il tend à faire supposer que déjà quelque chose d’analogue au culte des Muses existait en cet endroit ; mais il y a là un mélange de traditions anciennes et d’inventions plus récentes qu’il est bien difficile d’éclaircir.