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règles fondamentales et des maximes de son usage qui ont tout à fait l’apparence de principes objectifs, d’où il arrive que la nécessité subjective d’une certaine liaison de nos concepts en faveur de l’entendement est prise pour une nécessité objective des déterminations des choses en soi. Illusion qu’il n’est pas plus possible d’éviter, qu’il ne l’est que la mer ne paraisse pas plus haute loin des terres que près du rivage, parce que nous la voyons par des rayons plus élevés ; — ou pas plus encore que l’astronome lui-même ne peut empêcher que la lune ne lui paraisse pas plus grande à son lever, bien qu’il ne soit pas trompé par cette apparence.

395. La dialectique transcendantale se contente donc démettre à découvert l’apparence des jugements transcendantaux, et en même temps d’empêcher que cette apparence ne trompe ; mais elle ne pourra jamais faire que cette apparence s’évanouisse et cesse d’être (comme il arrive à l’apparence logique) : nous avons affaire à une illusion naturelle et inévitable, qui repose même sur des principes subjectifs, et les prend pour des principes objectifs ; au lieu que la dialectique logique, dans la solution des paralogismes, n’a affaire qu’à une application vicieuse des principes, ou à une apparence spécieuse dans leur imitation. Il y a donc une dialectique naturelle et inévitable de la raison pure, non celle, il est vrai, dans laquelle s’embarrasse l’homme, faute de connaissance, le gâte-métier, ou celle qu’inventa un sophiste ingénieux pour troubler des gens raisonnables, mais celle qui tient nécessairement à la raison humaine, et qui, même après que ses illusions sont signalées, ne cesse cependant de lui faire la guerre, de la précipiter constamment dans des erreurs qu’elle a toujours à dissiper de nouveau.