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le primitif. Mais on peut dire encore que la conception originelle avait, sous le rapport du fond, un avantage incontestable sur le remaniement postérieur. Tout remaniement n’est pas nécessairement une amélioration. L’unité créatrice du premier jet cède à l’hésitation des mouvements mal assurés d’une lime qui pénètre du dehors, plutôt qu’elle ne polit du dedans. L’histoire littéraire abonde en analogies qui montrent comment les éditions postérieures ont souvent affaibli l’originalité, la hardiesse, la force et l’unité des premières. Pourquoi Kant n’aurait-il pas eu le même sort ? pourquoi n’aurait-il pas souvent manqué le but qu’il se proposait par ses améliorations ? S’il en est ainsi, c’est une nouvelle raison de redonner la première édition, sans rien négliger, bien entendu, des changements que présente la seconde.

Or, selon moi, c’est ce qui est arrivé ; s’il fallait des témoignages étrangers pour l’établir, ils ne manqueraient pas. Je n’en rapporterai que deux, le plus ancien et le plus récent. Dans l’addition à son dialogue de David Hume, sur l’idéalisme transcendental (tome II de ses Œuvres, 1815, page 291), Fr. Hr. Jacobi s’exprime ainsi : « Le traité suivant se rapporte uniquement à la première édition de la critique, la seule encore existante alors (en février 1837). Quelques mois après la publication de ce traité, parut la seconde édition de l’ouvrage de Kant, augmentée de cette réfutation de l’idéalisme, dont j’ai parlé longuement dans l’introduction qui se trouve en tête du tome II de mes œuvres. Dans la préface de cette seconde édition, Kant entretient ses lecteurs des améliorations de forme qu’il a essayé d’apporter à la nouvelle édition, sans dis-