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un brave petit orchestre, ambitieux, qui s’aventurait même jusqu’à jouer des symphonies de Brahms qu’il exécutait d’ailleurs avec plus d’enthousiasme que de maîtrise.

Il va sans dire que le père, quoiqu’il tolérât ces penchants artistiques, jugeait indispensable que son fils terminât bourgeoisement son lycée. Le fils en jugeait autrement, mais néanmoins, il tint bon jusqu’au baccalauréat, passé avec succès.

Voici venir l’heure décisive pour la direction de sa vie. Bon bourgeois ou artiste ? Artiste, bien entendu. Un nouveau problème surgit : peintre ou musicien ? Les parents le laissent libre dans sa décision ; la mère, évidemment, aurait préféré faire de son fils un musicien. Mais un artiste ne doit se fier qu’à son instinct. Or, celui-ci lui déconseillait la musique. En vérité, il ne savait rien du développement qu’avait pris la peinture à cette époque, mais la musique lui paraissait alors peu fertile en possibilités créatrices. Il choisit la peinture. Cette décision prise, et plein de confiance dans les forces inconnues qu’il sentait dans son âme, il se rendit à Munich en octobre 1898 pour y consulter Lœfftz, directeur de l’Académie des Beaux-Arts. Celui-ci loua les dessins de paysages que Klee lui montra, mais il lui conseilla de commencer par travailler dans l’atelier de Knirr. Le jeune homme suivit le conseil et n’eut pas à s’en repentir. À l’atelier, il trouva avant tout la vie facile avec de bons camarades et Munich lui offrit les théâtres et les concerts, jouissances inouïes.

On appréciait son talent et l’enseignement du maître qui tendait au libre développement des élèves, convenait admirablement à son tempérament. De sorte qu’il n’entra pas chez Stuck à l’Académie avant sa troisième année d’études. Stuck, en véritable académicien, visait avant tout la maîtrise de la forme. Ce qu’on apprenait le mieux chez Stuck, c’était le dessin. Quant à la couleur, on ne s’y perfectionnait guère. Klee, de temps en temps, faisait une apparition chez Knirr, où le ton était plus gai et plus libre, et où le dessin et la caricature étaient à l’ordre du jour.

En octobre 1901, Klee, accompagné de Herrmann Haller, fit son pèlerinage en Italie, en véritable élève des Beaux-Arts. Rome le rendit pensif. C’est là que, pour la première fois, il commença à réfléchir sérieusement sur son art. En plus, sa situation économique exigeait une précision plus nette de ses rêves ; car Klee était fiancé. Gênes l’impressionna d’une façon dramatique, tandis que Rome, plus épique, ne l’influença que graduellement. Mais ce fut l’art byzantin qui le secoua le plus au premier