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l’œuf dans sa coquille, n’était pas alors moins rond que le fond du chapeau haut de forme d’Alfred de Musset, pas moins rond que le périmètre des crinolines, le dôme des chignons, les globes des seins et des épaules, le soir, parmi les volants de mousseline, pas moins rond que la bouche même des pistolets qui une nuit au moins donnèrent aux jeunes hommes de ce temps espoir d’une mort altière, et qui, la tentation grandiloquente passée, faisaient si bien sur une cheminée près d’une sépia au cadre rond.

1830, la seule année où la foudre ait daigné tomber en boule de feu et rouler sur la terre, 1830, les ballons montent dans le ciel, les pommes s’allument plus luisantes aux arbres des campagnes, 1830, les ivrognes pour trois cent soixante-cinq jours ont renoncé à leurs classiques zigzags et décrivent sur les trottoirs des courbes savantes, 1830, la France combine une révolution pour avoir un roi plus rond, Louis-Philippe, un roi dont le nom dans les bouches fait le même bruit que des tonneaux roulant sur les pavés.

1830. Elles sont toutes rondes aussi les fleurs qu’Athénais cueille dans son jardin. Athénais est une jeune fille qui a la bouche en cœur et se promène en donnant à un jeune homme le bras de celle qui, désormais, portera son nom. Mais pourquoi Agénor, tandis que lentement Athénais achève de se dévêtir, pourquoi Agénor se rappelle-t-il avec cette obstination l’histoire de la cloche de saint Grégorien ? Une nuit le battant de cette cloche disparut, le diable seul sait comment. Au matin, attaché à la corde et n’entendant pas le moindre bruit, le sacristain se sentit devenir fou. Il parcourut le pays et cria qu’il serait damné pour avoir sonné l’angélus du silence.

L’angélus du silence, mais l’angélus de l’amour, Athénais, sur quel air, ce soir, le jouerons-nous ?

L’angélus de l’amour ? Athénais rit, remue, sa