Page:Crevel - Mon corps et moi (extrait 1830), 1974.djvu/4

Cette page n’a pas encore été corrigée

1830


La ligne droite va trop vite pour éprouver quoi que ce soit chemin faisant. Elle atteint tout de suite son but et, de son triomphe même, meurt, et sans avoir jamais pensé, aimé, souffert, joui.

La ligne brisée, elle, ne sait pas ce qu’elle veut. Ses caprices hachent le temps, martyrisent les routes et, de leurs angles, lacèrent les fleurs joyeuses, crèvent les fruits paisibles.

Pour la ligne courbe, c’est une autre chanson. La chanson de la ligne courbe s’appelle bonheur. Ainsi, de toutes les années de l’ère chrétienne, 1830 fut la meilleure à vivre. Sur quatre des chiffres qui la désignent, trois étaient ronds.

Bonnes joues et taille fine, 8 fait la révérence, 3 est le chiffre d’amour, non parce qu’il compte les éléments indispensables à toute histoire sentimentale, mais ses deux boucles ressemblent comme des sœurs d’écriture à celles des cheveux dont les femmes du siècle dernier avaient toute une provision pour faire cadeau à leurs amants. Dans le cercle, son symbole, zéro est la plus consolante image du néant puisque, par le vide, il nous donne notion de l’infini.

1830. Le romantisme imperméable dans son désespoir aux grands mots, aux belles phrases, comme