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au petit matin, il ne restait que des verres à moitié vidés, nos frissons et des courants d’air. Vous redevenez la créature frileuse d’un monde dont tout à l’heure vous ordonniez la féerie. Vous me tendez la main, me donnez à sentir comme elle est froide et soupirez : « Il est parti. »

Oui, la fête finie, nous sommes seuls, seul à seul. Vous ricanez, car vous avez vu nos deux noms, deux murs parallèles et très proches, mais qui montent de chaque côté de l’impasse sans se toucher. Vous ricanez. Un jour commence qui ne connaîtra ni le repos ni le pardon. Dehors, il y a de longues raies roses dans le ciel. Qui donc a griffé l’aube ? Vous grelottez, et affirmez en même temps : « Je n’ai pas froid », puis m’interrogez : « Oui, mais lui, où est-il ? »

Parti l’enfant qui sait danser et plaire et morte la féerie dont il nous tenta. Les taches du ciel ne sont point celles de l’amour. Le jour n’a rien repeint. Notre vie sera couleur de