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Y a-t-il quelque drôlerie dans cette phrase, ce distique ? Je ne ris pas, m’étonne de ne pas rire. Je ne suis déjà plus avec les hommes. Je ne suis pas encore seul. Les autres, dont il n’est rien qui ne me laisse indifférent, depuis que j’ai décidé de les fuir, n’ont pas fini de me tenir en esclavage.

N’irai-je donc jamais jusqu’à cette belle liberté bien neuve, mon orgueil ?

Si je pars sans emmener personne, à qui demander le secours de la chair, de la parole ou de l’esprit, c’est que j’ai renoncé aux consolations anecdotiques. Des essais auparavant tentés, j’ai dû, enfin, m’apercevoir que ne pouvait attendre aucune sensation de grandeur ou de vérité. Clown, j’avais tout juste dans mon orgueil la triste récompense de sentir mon cœur se briser. J’en offrais les morceaux à quelques-uns parmi les autres et, entre deux éclats de rire faux, j’avais l’audace de croire à mon malheur. De toute cette comédie, seule peut me laver la solitude....