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aide à imaginer le voyageur inconnu dont la pensée permet de redouter moins l’obscurité sans sommeil.

Dehors c’est la nuit.

J’écarte les rideaux, ouvre la fenêtre, me penche. La nuit est fraîche, bonne fille insignifiante, et n’y triomphe même point, pour attirer ou faire peur, le silence. En bas, à trente mètres, un torrent fanfaronne et dans l’obscurité c’est une orgueilleuse et vaine chanson de marche.

Le torrent est au pied de la montagne.

Cette montagne, dans le jour, à mon arrivée, commençait verte, devenait grise, finissait blanche, sans qu’il fût d’ailleurs possible de se rendre compte comment elle passait du vert au gris, du gris au blanc et même du blanc à ce bleu, dit bien à propos bleu de ciel, et dont la masse reposait toute sur le point final de sa dernière cime. Dans la dégradation était toute la merveille et ce symbole aussi, trop facile, du prisme intellectuel (