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Je vous ai bien aimée. Vous et la dame au cou nu.

Je vous aime encore, mais il faut l’avouer, j’ai mieux aimé la dame au cou nu.

Durant mon enfance les femmes ne montraient leur gorge que pour aller au bal. Dans la première moitié de l’année 1914, une citoyenne de Genève m’annonça les cataclysmes qui devaient assourdir mon adolescence à cause de l’échancrure des corsages sur la Côte d’Azur. Comme elle portait toujours une guimpe hermétique de soie noire, son pays demeura en marge de toute catastrophe.

La dame au cou nu devança de plusieurs années les élégantes de 1914. Aussi eut-elle mauvaise réputation. Elle était la femme la plus célèbre du monde ; on l’accusait d’avoir tué son mari, sa mère, et, pour elle, nous achetions les journaux en cachette.

à vrai dire, de toute cette affaire aux yeux de mes camarades qui commençaient à négliger