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créature humaine s’efforce de me les rappeler. On insiste, on m’embrasse. Il faut rendre politesse par politesse : voici que recommencent les simulacres ; « Bonjour, esprit habillé d’un corps », j’aime cette formule, la répète. L’esprit c’est bien cela, je voudrais me recomposer une pureté de joueur d’échecs, ne pas renoncer au bonheur mais vivre, agir, jouir avec des pensées. Il n’y a pas de contact humain qui m’ait jamais empêché de me sentir seul. Alors à quoi bon me salir ? Finies les joies ( ?) de la chair.

Une troisième fois je répète : « Bonjour, esprit habillé d’un corps », et donne ainsi la mesure d’une nouvelle confiance à qui vient d’entrer.

Hélas ! le malheur veut que je sois tout juste en présence d’un corps qui se croit habillé avec esprit.

On rit, je me fâche, marque quelle opposition existe entre l’autre et moi : « Mon esprit s’habille avec un corps, et toi ton corps prétend