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de courir après un plus grand nombre d’images, de mots. Ainsi naît certain mensonge déjà signalé. Le mensonge de l’art. On prend un corps, un sexe. On prend une toile, des pinceaux. On prend du papier, une plume.

Hélas ! il n’y a plus ni fumée ni rêves. Un enfant interrogé au matin expliquera sa joie ou sa terreur nocturnes par un seul fait. À midi les accessoires du songe auront été doublés, deux heures après triplés et ainsi de suite.

Donc nous cherchons les sensations nettes et insuffisantes capables de recréer un état vague et suffisant. Je rêve d’un goût de chair humaine (non caressée ni mordue, mais mangée). Je me réveille avec une surprise dans la bouche. Comment y vint-elle ? Je crois que j’ai vu des guirlandes de peau décortiquée. Ces guirlandes ornaient ma chambre alourdies de fruits humains semblables à ces lampions du 14 Juillet. Je suppose que j’ai dû cueillir un de ces fruits, le manger. Mais cette hypothèse