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de cauchemar.

Comment ne me serais-je point cabré, comment n’aurais-je point essayé quelques pas de fuite ?

Aujourd’hui, le monstre habite ma chair même, ne cesse de se démener, me tente, me persécute, me désespère. Plus fort que les raisons de ma raison et jamais ne daignant s’expliquer, il a le triomphe hautain. Par vengeance, il me faut le rendre responsable de mes malheurs et de mon indignité. Si la paix était en moi, ce soir, je penserais qu’elle couronne avec justice une journée consciemment employée toute à sa recherche. Mais, puisqu’il faut accuser, je désigne celui qui affirme sans savoir.

Si j’ai pris la fuite, si j’ai quitté mes amis, mes ennemis, ceux à qui je devais de croire que n’était pas tout à fait vide le théâtre où chaque journée s’essayait à de nouvelles tragi-comédies, est seul coupable ce moi-même invisible qui me contraignit à parfaire des ébauches de velléités, sans jamais donner