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Et voici que l’aube me surprend étranger aux choses et aux créatures. Ai-je donc péché que je me voie, et souffre d’un tel dégoût à me voir : « C’est un péché que de se trop connaître, un péché contre soi », me dit le compagnon qui pleure mais dort bien. Et je rentre seul par des rues couleur de remords. Mes larmes ne coulent pas, mais je ne puis reposer. Ce mal de tête et cette lucidité ce sont tourments d’enfer. Oui c’est péché contre soi-même que d’avoir voulu voir en soi, que d’avoir vu en soi.

Péché contre soi-même parce qu’on ne va pas jusqu’au bout de sa franchise. Mais ne suis-je point déjà mort que, soudain, un chant sans parole, une lumière sans rayon éclatent ? ma faiblesse supportera-t-elle leur aveuglante beauté ? Ô mon apothéose. La chaleur de mon front est celle du soleil. Tous les océans du monde ont empli de leur victoire mes oreilles. Une seconde, du fond de la douleur, je suis remonté, jusqu’à la joie.