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contre un corsage mystérieux, de caresser un velours, longtemps, je continuai à ne vouloir m’en saouler qu’à l’ombre de celle qui, justement, ne pouvait me l’offrir, puisque ces corsages n’étaient de mystère, ni de velours, ses jupes.

Ce dilemme avait déjà exaspéré mes six ans, quand on décida de me donner une maîtresse de piano. Le mot maîtresse me plongeait dans le ravissement, depuis certaine phrase de mon père où il m’était apparu lourd de bonheurs sous-entendus. Le piano jouait un rôle restrictif qui ne me plaisait guère, et d’autant moins que notre piano était un piano crapaud, un piano eunuque, un piano sans queue, dont ma mère qui passait de longues heures en sa compagnie, n’avait certes pas à craindre qu’il la violât.

Ma maîtresse de piano avait un chapeau à plumes on ne peut plus amazone, et, l’enlevait-elle, c’était pour révéler une architecture de boucles oxygénées dont elle couronnait son visage très maquillé. Elle regardait l’heure à un bracelet-montre extensible (objet alors fort rare), et, très volontiers pour ma grande joie (à nous le symbolisme sexuel) sa main allait et venait à travers ce cercle complaisant. Comme je me plaisais à imaginer la peau que les autres se plaisaient à cacher, mon adoration