Page:Crevel - Le Clavecin de Diderot, 1932.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vière s’entend) je m’étais plu à imaginer une histoire d’amour. Hennins et trouvères, je n’étais pas en avance pour mes dix-huit ans, mais, au sortir de l’aristocratique Janson-de-Sailly, le désir d’être autre chose qu’un sportif, un ingénieur diplômé du Gouvernement, témoignait d’une soif de connaissance bien insolite pour le 16 e arrondissement. Hélas, Isembart n’était pas Isabeau. Il s’agissait non d’amour, mais de guerre, autant que j’en pus juger par le distique initial :

En alt vois s’est escrié
Vous estes en dol tut fines…

que, deux heures durant, un vieux fou se contenta de répéter avec, pour tout commentaire, de multiples aboiements qui reprenaient les mots, un à un, et nous servaient, à propos de la moindre voyelle, tout un jeu de rauques vocalises.

Après ce beau début, je m’abstins plusieurs mois d’aller puiser aux sources du vieux français. Mais, un jour, égaré dans les couloirs, j’entendis de tels glapissements, que je poussai la porte qui se trouvait, comme par hasard, être celle de la salle où mon bon maître (ainsi doit-on dire, n’est-ce pas, quand on évoque les belles années de jeunesse et les leçons qui valurent à ces années d’être belles) se livrait