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rideaux du renoncement, qui ont fermé les fenêtres par où le monde extérieur venait jusqu’à eux, ils ont beau se réjouir de penser que pas un écho, pas un reflet ne viendra troubler l’obscur silence de leur orgueil, chaque pore de leur peau ne s’en ouvre pas moins à la rencontre dont ils ne veulent pas. Se fussent-ils couverts du plus imperméable enduit, que la mémoire, encore, ressusciterait l’univers qu’ils refusent. Mais regardez-les plutôt jouer les orchidées du désespoir. Antenne par antenne ils se sont déchiquetés. Et maintenant, leur suffisance se met à déifier, sous le nom de vie intérieure, une cénesthésie qui crie famine. Ils prennent pour l’annonce d’une naissance le dernier râle de tout ce qu’ils ont, en eux, condamné à mourir d’inanition.

Une malade, couchée depuis des années, parce que tout était blanc autour d’elle, l’hiver, les draps, les murs, son linge, ses mains, ses nuits, n’affirmait-elle pas qu’elle commençait à sentir son âme ?

Ainsi, des êtres spoliés, par leur faute ou non, de ce qui leur eût été naturel, sont en quête de surnaturel et ne craignent pas d’expliquer, de très consolante et compensatoire manière, cette répercussion intime des infinitésimaux dont le monde extérieur ne cesse d’émouvoir leur engourdissement.