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pris pour un fauve de l’intelligence le produit de la plus sensuelle des horticultures. Fils d’une femme d’amour, il est à cent coudées, certes, au-dessus de ses contemporains et cadets nés de parents unis en justes noces. Mais Gide n’ignorait pas comment et combien le charme de Lafcadio ferait se pâmer d’amour (conscient ou inconscient) lecteurs et lectrices. Le chapeau taupé, à la mode de 1912, dont il le coiffa, abrite un visage d’une expression assez rare pour évoquer les fleurs de ces plantes qui méprisent le sol et ses aliments et ne veulent de nourritures qu’aériennes, impondérables.

Or, en vérité l’air a son poids. Nous qualifions d’impondérable, non ce qui ne saurait être pesé, mais ce que nous n’avons su peser. Le poids de Lafcadio, de son charme, de son influence est un poids sexuel. Il est le kilo d’un système de mesures dont l’unité fondamentale est une verge, sa propre verge en état d’érection. La cruauté n’est-elle point, d’ailleurs, un attribut caractéristique du mâle ? Quant aux chemins de fer et à leurs secousses, on connaît leurs effets sur les pénis adolescents et adultes. Lafcadio est jeune, le bonhomme qu’il précipite sur le ballast ne l’est plus. Son geste peut donc s’interpréter comme celui d’Œdipe, et, d’autant plus légitimement que ledit Œdipe