À nous l’épopée.
Parce que la Révolution née en France a dû se défendre contre la coalition des monarchies européennes, par un petit tour de passe-passe, simple comme bonjour, il s’agira de parler non plus du sentiment qui anima un pays, mais de ce pays, comme si se trouvaient justifiés, du seul fait de son existence, les plus extravagants de ses délires batailleurs.
Ainsi naquirent le sentiment national, l’envol de la Marseillaise, la gloire d’être Français, l’omnipotence des adjudants corses et tout le bataclan.
Or, quant à moi, de la Russie nouvelle, ce qui me touche le plus, ce n’est pas l’affaire Roussakov narrée par M. Istrati, non plus que les scolies en marge de cette histoire de concierge, non, c’est le choix, pour désigner un immense territoire, d’un nom aussi honnête que U.R.S.S.
Si notre douce France, au temps du capitaine Dreyfus, se fût appelée Cunégonde, cette aventure n’eût certes point pris ce ton grandiloquent, si peu d’accord avec le lieu, le temps, les personnages de l’intrigue.
L’honneur de Cunégonde. Titre digne d’un vaudeville dont un grossier quiproquo militaire ferait les frais sur la scène de quelque théâtre Cluny.
Le traître Esterhazy deviendrait alors l’aimable roublard, joyeux drille qui tire au cul.
On rirait du petit Juif Clodoche, sa victime, qui aurait mieux fait de ne pas contredire aux belles qualités démoralisatrices de sa race.
Mais quoi, on choisit le genre tragique.
Dreyfus dit : « Je suis capitaine, et je jure que j’ai de l’honneur pour trois galons. Je n’aime pas les femmes, mais j’aime ma femme. J’ai de l’argent, un cœur de Français. Dès lors, pourquoi trahir ?… »