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Et cette tache d’encre négative qui, du continent blanc, coule au noir, au jaune, après avoir bel et bien noyé le rouge.

Et cette prétention à l’intelligence spéculative, en même temps qu’au savoir-faire quotidien, affirmée par la renaissance d’un réalisme chrétien, qui permet à chacun de faire son petit Louis XIV, de déclarer « La Réalité c’est moi ». Voilà pour le temporel. Quant au spirituel matérialisé dans un espoir de paradis, il est la prime de l’assurance sur la vie, la survie. Pensez donc, on a dans la poche un chèque signé du sang d’un dieu.

Or, si de grossiers intérêts, à peine, décident encore une minorité jouisseuse à faire semblant de croire au capitalisme, de même, la peur, qui, des siècles, précipita les foules dans les églises, sous de fallacieuses promesses de droit d’asile, lentement se mue en colère. On va se battre aux guichets de la soi-disant éternité. Ce sera la banqueroute, l’Apocalypse que M. de La Palisse eût prédite aussi bien que les prophètes judéens. Alors le problème de la connaissance ne sera plus un tonneau des Danaïdes, une tapisserie de Pénélope et la moitié de l’humanité n’aura plus à détruire les murailles que l’autre moitié s’empresse de rebâtir entre elle et ce qui n’étant pas elle lui donne un vertige, preuve de sa propre débilité et non de l’au-delà, comme elle aimerait tant, pour des raisons de convenances, d’intérêts personnels, croire.


1931