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BOBARDS ET FARIBOLES


Hypocrisie de la chose imprimée, l’élan épique des journaleux, à distance, prend un ton farce, et, parce que le ridicule fait aisément figure d’inoffensif, les mêmes guignols de la presse permettent aux mêmes sanglants bonshommes politiques de sévir en 1930, comme en 1910. Vingt ans de foutus, mais pas pour tout le monde, puisque nous apprenons, de nos grands organes d’information, qu’un de ces curés-tueurs qui donnaient l’absolution à l’ennemi sous leurs ordres, assassiné, vient d’être promu officier de la Légion d’honneur. Et nos pisse-lignes de louer la charité chrétienne de ce monsieur (aujourd’hui évêque) si prompt à sauter de la mitrailleuse au goupillon.

Dommage que le Monseigneur n’aille pas à Deauville.

Avec sa robe à traîne, la mitre, la crosse et le revolver d’ordonnance, il n’aurait pas mal fait entre l’Agaga-Khan et le sempiternel Chiappe. Joli trio et symbolique de la soumission aux faits. À cette grasse trinité on opposerait le spectre solitaire, famélique de l’anarchie. On se réjouirait de voir le mot d’ordre enfin synonyme de police et, en conclusion, il serait affirmé que chacun doit accepter, sans regimber, sa place dans le grand bordel social, puisque la prose de notre petit père Poincaré (lui-même soumis à l’organisation pourvoyeuse de nos grandes jeunes sœurs latines et américaines) a suivi le chemin de Buenos-Aires.

Que de la bave de notre barbichu lesdites grandes jeunes sœurs américaines