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MERCI, PAUL KLEE


Le plus brave des hommes, comment oserait-il regarder droit dans les yeux, un hippocampe, point d’interrogation à tête de cheval monté vertical des profondeurs à la surface de nos rêves ?

Des gouffres les plus mystérieux, Paul Klee a libéré un essaim de petits poux lyriques. Un simple cheveu devient pont entre ciel et terre, et parce que, dans n’importe quelle goutte d’eau, le peintre est apte à saisir le miracle sincère des couleurs, nous méprisons les chutes du Niagara, les montagnes à sommets de 4 310 mètres et tous les animaux à réputations trop bien établies, même s’ils passent pour féroces, comme les lions, ces commis-voyageurs du désert, à cravate La Vallière.

Paul Klee : Je me rappelle un sale novembre de Paris, plus triste qu’un parc de ville d’eau, après la saison. Mais, belle vengeance, rue Vavin, à Montparnasse, était une exposition Paul Klee.

Alors, ce jour-là, quoique la pluie et la pierre fussent d’inexorables limites à notre univers, j’ai fait connaissance avec des animaux d’âme, oiseaux d’intelligence, poissons de cœur, plantes de songe.

Minuscules créatures aux yeux illimités, algues libres de tout roc, bonjour à vous, merci à vous, êtres, végétaux, choses que ne soutient pas le sol habituel et qui, pourtant, vous affirmez plus stables, plus réels dans votre impondérable surréalité, que nos maisons, nos becs de gaz, nos cafés et la viande de nos amours quotidiennes.