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LA MYSTICITÉ QUOTIDIENNE DE MAX JACOB


Axiome : l’inquiétude seule pare infailliblement de quelque grandeur les individus, leurs gestes. Ce n’est point, à la vérité, que nous supportions encore les larmes trop faciles de certains désespoirs, mais pour que l’homme nous intéresse, sous le masque, il faut que se devine un tourment. Je ne sais quelle définition les dictionnaires proposent de la mysticité ; pourquoi ne point convenir que de ce nom se baptise l’état même d’inquiétude ? Ainsi, dira-t-on, Max Jacob est un mystique, sans avoir au reste à se préoccuper de ce que peut valoir sa foi : c’est que, pour nous témoins, l’objet de la passion importe peu ; seul nous décide à aimer le rythme du chant qui anime.

Tous les hommes, au moins une fois dans leur existence, ont soupiré, la tête entre les paumes « Pourquoi ? ». Il faut bien admettre avec Bacon que, du point de vue le plus humain, la recherche des causes finales comme une vierge consacrée à Dieu est stérile. Mais cette recherche des causes finales, distrayant des vulgarités coutumières, aide à supporter les années d’ennui qu’on appelle alors années d’attente ; cependant l’incapacité où nous sommes d’acquérir une certitude nous laisse parfois en route, avec le désespoir de ne pas encore soupçonner le but, la cause finale : au sein même de la mysticité, certaines contradictions rendent donc impossible un bonheur simple.

Max Jacob écrit : Antithèse. Ce mot à lui seul est une préface en tête d’un livre