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plus fatiguée que la volupté. Je répétai : la poitrine blanche de ce jeune Slave, la poitrine slave, la poitrine jeune, ce Slave blanc ; il n’est rien de plus dangereux que les jeux de mots qu’une femme essaie en regardant dormir. Je jonglai avec les syllabes, puis tout à coup me pris à penser à la phrase de l’Ecclésiaste : “Il faut que le scandale arrive.”

« Pour suivre Cyrille j’aurais tout quitté, consenti à tous les scandales, mais fallait-il tout de même accepter de me quitter moi-même ; alors j’eus envie d’étrangler mon compagnon ; il se réveilla quand ma main droite déjà caressait sa pomme d’Adam. Je lui demandai : “Cyrille, tu en as pressé de jolies femmes contre ta poitrine blanche de jeune Slave.” Il était trop beau pour que cette question fût ridicule même à sept heures du matin ; il m’offrit ses yeux clairs, son corps souple et me parla, comme toujours, avec plaisir des autres, ses maîtresses avant moi ; puisqu’il se rappelait j’avais le droit d’être jalouse ; il me sembla que je ne pourrais vivre sans vengeance. Le hasard me servit. Une des femmes qu’il avait aimées revint ; je prétextai la plus sotte des suspicions pour lui faire des scènes ; j’annonçai même mon intention de m’en aller seule ; il voulut sembler ne pas tenir à moi. Je le laissai en tête à tête avec son ancienne conquête, et partis pour Heidelberg où je commençai l’étude de la philosophie.

« La célébrité du professeur Dupont-Quentin me donna le désir de le connaître. Je vins à Paris. Lorsque j’appris que Scolastique devenue orpheline allait épouser Boldiroff, je ne fus point la moins surprise. Je déteste cette Scolastique. Elle est bien le type des femmes de ce pays, des