donnait à son visage une étrange splendeur ; elle se savait perdue ; un Brésilien lui faisait la cour ; il arrivait en luge de son sanatorium ; un soir il eut un accident ; on le retrouva sur la glace, le crâne fracassé ; il fallut des heures de neige pour cacher les traces de son sang ; l’Anglaise voulut qu’on l’ensevelît dans son grand châle de Manille ; elle partagea ses robes aux femmes de chambre, défendit aux hommes de lui faire la cour ; un jour, comme elle n’était pas descendue pour le dîner et quoiqu’elle ne m’eût jamais dit un mot, elle me fit tenir un billet où elle me demandait de l’aller voir. Elle me confia qu’elle se sentait près de mourir ; elle savait que Boldiroff l’aimait ; comme tout bon Russe, sensible aux airs de mysticité, les malheurs de la belle Anglaise et son renoncement l’avaient rendu plus amoureux encore ; elle n’avait pas le courage de le revoir ; elle ne connaissait personne qui pût comprendre et c’était moi, une étrangère, qu’elle chargeait de porter à Cyrille ses tristes adieux.
« Le lendemain, la bonne en ouvrant les persiennes m’apprit que l’Anglaise était morte. J’allai frapper à la porte de Cyrille ; d’un ton de commandement, comme s’il attendait son domestique, il me cria d’entrer. À ma vue, il eut un geste de stupeur puis demeura figé quelques secondes. Je le regardai ; il était habillé d’un pyjama de soie perle ; ses pieds étaient nus dans des babouches de cuir perle aussi.
« Ma mission avait un caractère romantique dont un Français se fût exaspéré, mais lui, sensible aux mots de pitié que j’offrais à sa douleur, me remercia. Je lui dis combien moi-même j’étais triste ; il me prit les mains, me parla longuement de la sainteté de la souffrance. J’étais