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oublier de mettre l’enfant sous la protection d’une sainte », mais le professeur répondait à tous arguments : « Je suis un homme désespéré. Que l’enfant s’appelle comme on voudra.

— Ce n’est pas un nom.

— Je m’en fiche.

— Ne vous révoltez pas, mon fils. »

Sur un de ces calendriers offerts aux étrennes par l’administration des PTT, la nonne découvrit que le 29 février 1900 (jour de la naissance de la petite Dupont-Quentin) était l’anniversaire de la mort de Scolastique dont le martyre terrestre s’acheva la dernière heure de février, de la première année bissextile de notre ère. Violée en une seule nuit par douze centurions dont la virilité eût été capable de troubler de moins benoîtes, puis lapidée, cette sainte ne cessa de chanter les louanges du Père et du Fils et d’affirmer une foi inébranlable en la toute-puissance du divin Paraclet.

Le vertueux renom d’une telle patronne valut à Scolastique une enfance exemplaire. Elle passa son bachot avec mention puis devint l’étudiante sans coquetterie que j’avais connue.

À la mort de son père, elle acheta un cadre où mettre sa photographie et sa Légion d’honneur, se sentit lamentablement seule et trouva que tout autour d’elle avait la tristesse d’une romance un jour de pluie. Elle eut peur surtout de n’inspirer jamais d’amour.

Afin de nier mieux sa laideur elle prétendit qu’elle ne savait ni ne saurait s’habiller ; elle demeurait trop timide pour essayer même un projet de révolte ; comme elle