Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

un étudiant russe du nom de Boldiroff avait offert de l’aider.

Un beau jour, alors que rien ne s’opposait à leur mariage s’ils avaient quelque sentiment l’un pour l’autre, on avait appris que le Slave venait d’enlever Scolastique.

Le scandale avait été grand ; il s’oubliait à peine.

Pour moi, ce que je savais m’engageait à croire qu’il s’agissait d’une banale amourette. Deux jeunes universitaires s’étaient décidés au voyage de noces avant de songer à la bénédiction du curé. Dans leur inexpérience, ils avaient agi comme des amoureux du répertoire. Tout finissait bien ; le contrat venait d’être signé ; ils faisaient des sports d’hiver. Mais, pensais-je, si Scolastique n’a pas changé de coiffure en même temps que de prénom, elle aura une rentrée assez peu brillante. Je l’imaginais déjà impardonnable comme toutes les institutrices qui tournent mal sans prendre la peine d’ôter leurs lorgnons. Je ne répondis point à la lettre de Zurich et me mis au travail assez peu gêné du souvenir de Scolastique Dupont-Quentin, princesse Boldiroff.

Désireux de confondre le bonheur avec certaines occupations livresques, je menais, depuis deux mois déjà, une existence laborieuse et satisfaite lorsque je reçus ces lignes :

« Cyrille et moi sommes de retour dans un Paris où nous nous trouvons fort dépaysés. Voulez- vous venir nous faire visite ! Nous habitons rue Saint-Sulpice l’appartement qui fut celui de mon père.

« Si vous n’avez rien à faire, à samedi après le dîner ? Nous vous raconterons beaucoup d’histoires : si elles