Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

UN COUPLE HEUREUX


Durant ma convalescence, lorsqu’il me fut possible de penser à la vie qui allait recommencer, je me décidai à reprendre mes études. Le bonheur ne va jamais sans certaines spécialités d’exercice. Je savais donc à quelles abdications il faudrait consentir, mais je n’étais plus capable, pour conserver toutes possibilités, de mépriser les travaux quotidiens, ou d’accepter quelque somptueuse oisiveté.

L’heure était venue de choisir, et (enfin je le comprenais) n’a pas le droit d’envier leur insouciance aux charpentiers qui se refusent à planter des clous.

Taper sur un morceau de bois à bras raccourcis, avec des refrains — outils aux doigts, chansons aux lèvres —, était un bonheur dont je ne me sentais guère capable ; je me rappelais tout simplement que j’avais commencé des études de philosophie. À l’affût d’un opportunisme modèle courant, je m’accrochais à tout souvenir ; je pensais au calme et à la fraîcheur des couloirs de Sorbonne ; un après-midi dans la cour je m’étais laissé tomber sur un banc de