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de leurs grooms en molleton rouge. Pour moi, n’incorporant l’amour qu’à la dernière extrémité, je demandai à cette femme de laisser flotter non les voiles de ses épaules mais certain désir dont, sans doute, pourrait naître le mien.

Mais, dès qu’elle me quittait, j’avais besoin de sa présence charnelle jusqu’à vouloir prendre la soie de mon fauteuil pour le souvenir de sa robe, si légère ; alors, afin d’être sûr que les choses se faisaient toutes à son image, il m’était aussi facile d’éteindre une lampe qu’au dieu de mon enfance, un soleil. Les dentelles héritées de sa grand-mère étaient-ce d’anciennes malines ou bien un tulle, pas même un point d’esprit, un tulle couvert d’arabesques illusoires et de jolis noms en broderies.

Mille petites femmes peuplaient ma chambre.

Parce qu’elles ne me voyaient plus (elles m’obéissaient jusqu’à fermer les yeux dès que s’abaissaient mes paupières) et croyaient qu’on ne les voyait plus, elles mourraient vraiment béatifiées.

Alors le souvenir, rien que le souvenir, enveloppait mon sommeil avec la douceur d’un suaire bien tissé.

Ainsi je me voulus chaste à l’âge où les pratiques les plus niaises et les plus sales contentent les jeunes garçons. La rage d’avoir manqué la révélation n’était au reste point seule à m’y décider.

Dans mes calculs, je prenais certaines craintes pour des pressentiments mystiques. Lorsque j’étais enfant, par exemple, persuadé que j’aurais à la promenade au moins une minute d’étourderie où je lâcherais la ficelle du ballon rouge qu’on venait de m’acheter, tout de suite j’ouvrais la main prenant à témoin les ténébreuses puissances de ce