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Je sortis du compartiment sans avoir trouvé un mot à dire.

Mes mains s’accrochèrent à la tringle de cuivre. Le long des glaces la nuit tombait ; au flanc de la montagne les lumières étaient sinistres comme ces cigarettes allumées qu’au dernier acte des pièces policières l’assassin fiche dans le mur pour tromper le détective.

J’ouvris la fenêtre, me penchai dans l’obscurité. L’air fut une suffocation et, ainsi qu’au temps de mon enfance, les roues du wagon rythmèrent une chanson où il n’y avait plus besoin d’amour.

À Viège nous devions changer de train. Je revis Cyrilla ; nous fûmes à nouveau de grands amis, compagnons de voyage. Tout de même je ne pouvais nier un malaise entre nous. J’étais triste. Je voulus faire une scène : « Si vous aimez Boldiroff vous ne pouvez manquer de me haïr. Si vous ne l’aimez plus...

— Pardon, mon ami », fut la seule réponse.

J’étais confus, agacé. Je parlais de reprendre mon travail sur Amiel. Cyrilla proposait : « Quand nous serons à Paris, je vous marierai avec une de mes cousines.

— Et moi je vous réserve un de mes cousins d’Asnières. »

Un jour sur Le Figaro je lus que le mariage de Cyrille et de Léila venait d’être célébré. Je fis exprès de laisser traîner le journal ouvert à cette page. Cyrilla ne vit rien ou du moins fit semblant de ne rien voir. Je trouvai hypocrite qu’elle ne sanglotât point.

« Si elle a de la peine... » Je m’en voulais de revenir à cette neurasthénie puérile. Chaque matin en descendant pour le déjeuner j’étais bien