Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée

Sous prétexte de camaraderie je dus promettre que je ne désirerais point l’amour entre nous. Trop grave pour oublier le renoncement consenti, je n’osai offrir qu’un peu de tendresse. Je souffrais de mon obéissance, mais comme Cyrilla trouvait le courage de vouloir par une infinie douceur calmer les angoisses dont le souvenir se dessinait parfois encore, la reconnaissance que je lui en avais m’engageait à la patience ; à la vérité j’aurais eu honte de voir en ses aumônes attendries tout le bonheur, mais stupéfait que me fût offert un peu d’une autre jeunesse, je n’étais pas loin de croire supérieures aux joies des totales possessions ces furtives caresses d’âme auxquelles orgueilleusement nous réservions le nom de franche amitié.

Aux heures de rencontre, sa main dans la mienne avec des frissons d’oiseau, je m’efforçais à ne point tomber en des pensées précises et troubles à la fois que j’appelais pour les condamner, tentations.

D’autres femmes passaient avec de jolis gestes.

Pour elles quelques heures j’abandonnais Cyrilla, mais lorsque la nuit tombait, les rues devenaient les motifs d’une tapisserie laineuse et sans profondeur : je courais alors près d’elle.

Assis sur le grand divan bleu, l’inévitable divan de velours bleu, toutes les couleurs se subtilisaient ; il y avait une féerie que je ne cherchais point à trouver ridicule et en même temps, parce que je croyais en sa bonté, tout se simplifiait.